vendredi 29 août 2014

C'est arrivé le 14 novembre 1954

B + B En Vacances reprend des billets publiés sur d'autres plateformes. Le billet suivant est la reprise d.un Mardi en Musique du 14 novembre 2011.

Certains propos et hyperliens furent revisés pour cette rééedition.




Comme ce fut le cas pour notre billet sur les quatuors de Beethoven il y a quinze jours, un billet de notre Projet Beethoven de 2011-12 fut la victime du retrait de contenu sur le Web ce qui dans ce cas-ci non seulement justifie la réédition du billet, mais nous force à repenser le contexte de la discussion et même faire preuve d’ingéniosité…

Le billet original commençait avec un exposé – parfois fort personnel – sur ce que j’appelais alors «l’Age d’Or de la télévision», et comment la programmation télévisuelle des années 50 et 60 (donc d’il y a 50 ou 60 ans)  a évolué adressant non seulement un auditoire sans cesse grandissant, mais également un univers de chaînes qui passe d’une poignée de chaînes terrestres à maintenant une centaine de chaînes câblodistribuées ou satellite, la plupart d’entre elles dites « spécialisées ». Dans l’univers télévisuel (et en fait multi-médias) du XXIe siècle, la programmation dite culturelle a sa niche et ses chaînes, ce qui ne fut pas le cas il y a même quinze ou vingt ans. C’était le mandat des diffuseurs publics et privés d’inclure ce genre de programmation dans leur grille hebdomadaire.

Si les chaînes spécialisées ou les services tels Netflix ne jettent pas forcément un regard nostalgique sur la programmation culturelle de notre jeunesse, il y a YouTube et son vaste réseau de contributeurs qui – eux – numérisent beaucoup de leurs vieilles bandes magnétoscopiques ou offrent des clips numériques de ces vieilles émissions, et nous permettent avec le recul qui s’impose d’apprécier et de (re) découvrir ces émissions.

Dans nos pages, nous avons parlé d’Amahl and the Night Visitors par exemple, un opéra commandé et créé exprès pour la télé en 1951. Il y a également un nombre innombrable de concerts et d’opéras, de Toscanini depuis le Studio 8-H du Rockefeller Plaza en passant par les Trois ténors au Mundial d’il y a une vingtaine d’années et j’en passe!

Une chaîne YouTube a pris la peine de mettre en diffusion la majorité de la série des Young People’s Concerts (trad. lib. Concerts-Jeunesse) de la Philharmonique de New-York, animés par l’éminent chef Américain Leonard Bernstein entre 1958 et 1972, qui ont initié une génération de jeunes mélomanes Américains cinq ou six dimanches par saison sur le réseau Américain CBS. Les premières émissions émanent du Carnegie Hall, et déménagent avec l’orchestre au Lincoln Center, et passent du Noir et Blanc à la couleur, son chef allant de svelte et dynamique à gris et essoufflé par moments mais toujours énergique et d’un parler qui oscille entre l’accessible et le technique (« parce qu’il le faut » dira-t-il parfois). Je vous ai offert un clip de cette série lors de mon billet sur l’opéra Fidelio en début de mois.

Les sujets abordés (et le contenu) sont parfois fort surprenants. Par exemple, une émission parle de « la sonate », en commençant par une discussion de la « forme » et passant par une dissertation technique sur la tonalité (la note « tonique » versus la « dominante ») et une lecture de mouvements de symphonies accompagnés de topos visuels afin de renforcer la leçon. Vulgarisation musicale parallèle à la vulgarisation scientifique d’un Fernand Seguin ou d’un Jacques Lebrun.



En Amérique, on associe forcément Bernstein à la vulgarisation musicale (une « mission éducative » qu’il embrasse pleinement avec ces émissions qui coïncident avec son séjour comme Directeur Artistique à New-York), lui qui est reconnu comme un chef d’orchestre d’envergure, ainsi que comme compositeur. La « légende » Bernstein dira-t-on commence avec son remplacement à pied-levé de Bruno Walter aux commandes de la même Philharmonique New-Yorkaise en 1947 pour un concert diffusé sur la radio nationale. Sept ans presque jour-pour-jour plus tard, on le retrouve à la télé pour ce qu’on appellera son « baptême » comme vulgarisateur musical, et un baptême tel qu’il lance cette facette de sa carrière avec un boum retentissant.

Ceci nous amène finalement au sujet de notre B + B, la « curieuse expérience » du 14 novembre 1954. Invité à produire et animer un épisode de l’anthologie culturelle Omnibus, Bernstein propose un essai basé sur la fameuse cinquième symphonie de Beethoven. « N’ayez crainte », dira-t-il « nous ne jouerons que des notes écrites par Beethoven lui-même ».



Ce que Bernstein propose est une espèce de psycho-analyse du compositeur, de sa poursuite « infatigable » de la « droiture musicale ». Bernstein propose d’utiliser comme laboratoire le plateau de télévision et un orchestre (le Symphony of the Air, la réinvention du NBC Symphony post-Toscanini dont il sera le conseiller artistique pendant quelques saisons avant 1958 et son accession au poste de la Philharmonique). 

L’expérience comme tel: réviser les dizaines de croquis rejetés par Beethoven et comprendre leur origine et la raison de leur rejet, afin de jeter un coup d’œil sur le processus artistique du compositeur. Il dissèque l’orchestre et sa composition, la musique et les formules d’usage, il va même jusqu’à disséquer l’aspect échevelé du manuscrit!

Comme je le disais en début d’article, YouTube offrait jadis une version intégrale de l’émission, mais la maison qui détient les droits de diffusion a veillé à sa disparition du service gratuit, limitant seulement le clip oû Bernstein dirige l’orchestre dans l’exécution du premier mouvement. Si vous vous donnez la peine de chercher, vous trouverez probablement une version vidéo de l'émission, gracieuseté d'autres services internet. Au moment d'écrire ces lignes, j''ai trouvé le clip ici:

http://vdownload.eu/watch/5909629-leonard-bernstein-quot-omnibus-quot-musical-lectures-beethoven.html

Le voici donc, après avoir procédé au chargement sur Internet Archive:

OMNIBUS



En complémenrt de billet, il est bien sûr de mise de vous offrir une performance intégrale de la symphonie. Le clip du billet original (Klemperer et le New Philharmonia pour la BBC) est aussi périmé, donc je me dois de le remplacer. Il existe une version YouTube de l’enregistrement EMI de Klemperer avec le « old » Philharmonia que j’aurais pu utiliser, ou même faire référence à Bernstein et la Philharmonique de Vienne  (voir notre montage # 36). Il existe un assortiment phénoménal de prestations disponibles depuis YouTube et ailleurs, et sans doute l’une d’entre elles est votre préférée.

Puisqu’on a une occasion d’offrir quelque chose de différent, je vous propose une numérisation que je trouve fantastique d’un vieux 78 tours endisqué par Bruno Walter et la Philharmonique de New York en 1941. C’est une lectuire énergique et musclée de ce grand standard, et probablement un enregistrement que peu d’entre vous auront entendu.

Nous revenons la semaine prochaine avec de nouveaux B + B, et de nouvelles séries pour septembre et octobre. Bonne écoute!




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